notes pour cette nouvelle année scolaire :
La question sociale de l’enfant
« Qu’est-ce que l’enfant? C’est le dérangeur de l’adulte fatigué par des occupations toujours plus pressantes. Il n’y a pas de place pour l’enfant dans la maison de plus en plus réduite de la ville moderne, où les familles s’entassent. Il n’y a pas de place dans les rues, parce que les véhicules se multiplient et que les trottoirs sont encombrés de gens pressés. Les adultes n’ont pas le temps de s’occuper de lui quand la besogne est urgente. Le père et la mère vont tous les deux au travail ; et quand il n’y a pas de travail, la misère opprime l’enfant et l’entraîne avec les adultes. Mais, même dans les conditions les meilleures, l’enfant est relégué à la nursery, avec des étrangers payés ; et il ne lui est pas permis d’entrer dans la partie de la maison réservée à ceux qui lui ont donné la vie. Il n’y a pas un refuge où l’enfant puisse sentir que son âme sera comprise, où son activité pourra s’exercer. Il faut qu’il reste tranquille, qu’il se taise, qu’il ne touche à rien parce que rien n’est à lui. Tout est la propriété intangible de l’adulte, tabou pour l’enfant. Et où sont ses affaires à lui? Il n’en a pas. […] Voilà donc la situation de l’enfant qui vit dans l’ambiance de
l’adulte : c’est un dérangeur qui cherche, et ne trouve rien pour lui ; qui entre, mais qui est expulsé. Sa position est comme celle d’un homme sans droits civiques et sans ambiance propre : un extra-social, que tout le monde peut traiter sans respect, insulter, battre, punir, en exerçant un droit reçu de la nature : le droit de l’adulte. »
Maria Montessori, L’enfant, éditions Desclée De Brouwer 1936.